MATIÈRE NOIRE I & II

Le vide, l’angoisse et une atmosphère de violence retenue se dégagent des tableaux de la nouvelle série MATIÈRE NOIRE de Christine Major. Elle puise son iconographie dans d’autres peintures ou films, dans des photographies issues des médias de masse, des ouvrages scientifiques ou des faits divers parus dans les journaux, considérant que ces représentations seront profondément altérées comme dans sa récente exposition Crash Theory en 2012. Des images apparemment sans liens — étalage de supermarché, tondos et fragments de corps, écran vide et voiture calcinée — tissent un récit fragmentaire comme une série de questions poser à une réalité de plus en plus chaotique.

Les empâtements rugueux de la palette funèbre et les dégradés de Tours jumelles, nous rappels le scénario complet des images qui ont noirci nos mémoires collectives en direct en gros plan puis ad nauseam en différé. Dans d’autres tableaux, les noirs sont appliqués avec le doigt directement du pot, avec le pinceau en glacis transparents ou opaques ou en traînées à l’aide de l’éponge pour multiplier les effets de matière. Comme dans les sphères, le noir est aussi une couleur et additionné de bleue phtalo, le perce de trous luisants comme dans le tableau qui donne le titre à l’exposition. Ces procédés picturaux traduisant toutefois une volonté d’aller au-delà d’une simple affirmation « radicale » de l’objet.

Les tableaux Gouffre 1 et Gouffre 2 sont construits à partir de documents photographiques trafiqués afin de mettre à l’épreuve la véracité de ces vues de l’« extrême » : des particules élémentaires à la vision de l’univers. Ce sont des images de « traumatismes » à l’échelle de l’infiniment petit et de l’infiniment grand : crashs atomiques et collisions de galaxies. Ses visions à fond perdu de matière dense s’entrechoquent avec des images de sexe crues. Comme dans les magazines consuméristes aux finis glacés, cette pollution visuelle hard, fabriquée à partir de parcelles d’images X sont soigneusement retouchées par la peinture pulvérisée. Que nous veulent précisément toutes ces images et que voulons-nous d’elles en échange ? Disent-elles la vérité sur le monde actuel ou sont-elles de sales manipulatrices ? Peuvent-elles nous servir à décoloniser nos cerveaux de la crasse idéologique ? Nous rendent-elles narcissiques ou encore amnésiques ?